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HISTOIRE DE MARQUE

7. août 2024

« Nous misons sur la pluralité! »

Réflexion sur les modes de propulsion alternatifs incluant ou non un moteur thermique

Logicien expérimenté, Sascha Hähnke, directeur général de REMONDIS Sustainable Services, est, depuis plusieurs décennies, un fin connaisseur du secteur de la mobilité. Il dispose de contacts dans tous les domaines clés de l’économie et de la politique. Militant passionné, il plaide pour la mise en œuvre de concepts alternatifs et de nouvelles approches, tout en insistant sur la nécessité d’être totalement transparent et de tourner le dos aux débats à caractère idéologique.

Au cours de l’entretien, il dresse un aperçu de la situation complexe du marché de la mobilité et évoque, en parallèle, des alternatives, des projets et des développements particulièrement attrayants, notamment en matière de technologies de propulsion ; l’Allemagne, pays de l’automobile par excellence, est peut-être en passe de se réinventer !

« Chez REMONDIS, nous misons depuis toujours sur la pluralité et sommes ouverts à toutes les technologies de propulsion alternative. »

Sascha Hähnke, directeur général de REMONDIS Sustainable Services GmbH

Technique : les modes de propulsion et leurs alternatives

« Chez REMONDIS, nous misons depuis toujours sur la pluralité et sommes ouverts à toutes les technologies de propulsion alternative », souligne Sascha Hähnke. Cela implique, pour réaliser la transition énergétique dans le secteur de la mobilité, d’utiliser aussi bien des véhicules électriques équipés de batteries ou de piles à combustible fonctionnant à l’hydrogène que des camions roulant au biodiesel ou au biogaz. « Si nous voulons protéger l’environnement de manière durable et cohérente, nous devrons miser sur toutes les technologies, car une seule voie ne suffira pas pour atteindre l’objectif », assure Sascha Hähnke. À elles deux, les entreprises REMONDIS et Rhenus disposent d’environ 10.000 camions, dont plus de 50 sont déjà équipés d’un moteur électrique.

À elles deux, les entreprises REMONDIS et Rhenus disposent d’environ 10.000 camions, dont plus de 50 sont déjà équipés d’un moteur électrique.

Outre les technologies à moteur électrique, qui font l’objet de nombreux débats dans l’opinion, un projet particulièrement intéressant voit le jour actuellement qui ne reléguerait pas complètement au placard le bon vieux moteur thermique, bien au contraire : le moteur thermique à base d’hydrogène ! Abstraction faite du rendement, somme toute relativement limité, d’un moteur à combustion et de la question de savoir si et quand on pourra disposer d’une quantité suffisante d’hydrogène vert, cette nouvelle approche technologique pourrait présenter des avantages non négligeables : Dans la patrie de l’automobile qu’est l’Allemagne, faire fonctionner un moteur thermique n’est pas un problème. Le pays possède l’expérience et le savoir-faire nécessaires et les connaissances en matière de transformation et de reconversion de moteurs sont également riches et variées. La start-up munichoise Keyou s’est lancée dans la reconversion de moteurs diesel classiques en moteurs à hydrogène. L’essentiel du moteur diesel est conservé, seules sont réalisées les adaptations nécessaires au fonctionnement à l’hydrogène. D’autres entreprises explorent également cette voie : Ainsi, MAN Engines a présenté en novembre 2023 un moteur à combustion à l’hydrogène destiné aux machines agricoles et aux applications tout-terrain – également sur la base d’un moteur diesel (D3876).

« Cela pourrait constituer une nouvelle approche intéressante, parallèlement aux véhicules électriques fonctionnant sur batterie ou à l’hydrogène », imagine Sascha Hähnke, qui entend toutefois continuer à miser, entre autres, sur le biogaz et le biodiesel. « Les camions GNC et GNL, eux aussi, ont fait leurs preuves dans nos flottes », explique Sascha Hähnke. Le biogaz issu de la fermentation de la biomasse – par exemple des biodéchets, des résidus alimentaires, des boues d’épuration ou du lisier – pourrait contribuer de manière significative à la réduction des émissions de CO2. Et ce d’autant plus si le potentiel de collecte des biodéchets était mieux exploité en Allemagne. En explorant toutes les pistes, il serait possible de produire jusqu’à 100 térawattheures de biométhane par an rien qu’en Allemagne.

REMONDIS a, dès le début du 21ème siècle, joué un rôle majeur dans le développement du biodiesel et de son utilisation. Dès 2004, l’activité biodiesel est devenue un secteur d’activité à part entière sous la marque ecoMotion, et par la suite, le réseau de production et de distribution a été étendu en Allemagne et à l’étranger. Depuis de nombreuses années, des tracteurs routiers roulant au HVO (Hydrogenated Vegetable Oil) sont déployés avec succès au quotidien sur le terrain aussi bien par Rhenus que par REMONDIS dans les sociétés du secteur de la logistique du recyclage dans lesquelles elle est partie prenante.

Les camions électriques – qu’ils soient équipés de batteries ou de piles à combustible – font déjà partie intégrante de nombreuses entreprises communales et privées du secteur de l’économie circulaire. Là encore, selon Sascha Hähnke, toutes les pistes doivent être explorées. Détail intéressant : les véhicules électriques ne sont nullement des inventions récentes. Le premier véhicule électrique a été conçu par l’inventeur français Gustave Trouvé en 1881, lorsqu’il a construit son tricycle à propulsion électrique. De même, 21 batteries alimentaient la voiture électrique de Charles Jeantaud, présentée la même année que l’engin de son compatriote Trouvé. Dans les années 1960 et 1970, les voitures électriques, largement supplantées par les voitures à moteur thermique, ont connu une brève période de résurgence en raison du choc pétrolier. Aujourd’hui, les moteurs électriques sont considérés par beaucoup comme la technologie clé pour permettre de réduire les émissions de CO2. REMONDIS et Rhenus ont testé des camions électriques dans le cadre de différents essais sur le terrain, notamment avec un véhicule Mercedes eActros Gen 2, un DAF (basé sur une technologie VDL), un E-Force (basé sur une technologie Iveco) et un Volvo FH Electric. Les camions électriques équipés d’une pile à combustible, entre autres de la marque FAUN, sont désormais utilisés avec succès dans le travail quotidien de nombreuses entreprises communales du secteur de l’économie circulaire.

Parmi les options à retenir pour atteindre les objectifs climatiques, figurent également les variantes électriques dotées de batteries interchangeables ou empruntant le courant électrique nécessaire à leur fonctionnement à une ligne aérienne de distribution, estime Sascha Hähnke. En novembre 2023, la première station d’échange automatique de batteries pour poids lourds d’Europe a été mise en service à Lübbenau, dans la région de Spreewald, dans le cadre du projet « eHaul ». Trois pistes d’essai ont été construites en Allemagne pour recharger les camions électriques grâce à des pantographes : sur l’A1 près de Lübeck, sur l’A5 près de Francfort-sur-le-Main et sur la B462 près de Rastatt. Pour Sascha Hähnke, il s’agit là de modèles susceptibles d’intéresser les flottes de véhicules communales. En effet, tous les camions électriques ne peuvent pas être rechargés en même temps dans les dépôts du fait, bien souvent, du manque de capacité disponible.

« En explorant toutes les pistes, il serait possible de produire jusqu’à 100 térawattheures de biométhane par an rien qu’en Allemagne. »

Sascha Hähnke, directeur général de REMONDIS Sustainable Services GmbH

Sascha Hähnke

Sascha Hähnke a une formation d’agent de transport et a travaillé dans différentes entreprises du secteur de la logistique avant d’entrer dans le groupe Rhenus en 2004 en tant que directeur de l’actuelle Rhenus Forest Logistics, une société de logistique spécialisée dans les résidus de bois. Deux ans plus tard, il a pris la direction du secteur routier avant de devenir, en 2018, membre du comité de direction de la société Rhenus Transport GmbH & Co. KG. C’est sous l’égide de cette société que sont organisées toutes les activités de transport en gros de Rhenus par camion, train et bateau.

Depuis février 2023, Sascha Hähnke est directeur général de REMONDIS Sustainable Services GmbH. Il est responsable du développement du secteur des moteurs alternatifs dans le transport routier de marchandises au sein du groupe RETHMANN et est, en outre, impliqué dans différents comités. Il a notamment été membre de l’ancien groupe de travail Transports (AG Verkehr) et de plusieurs autres groupes de travail qui épaulent le ministère allemand des Transports. Par ailleurs, il continue d’opérer pour des constructeurs de véhicules utilitaires au sein de comités consultatifs réunissant à la fois clients et experts. Sascha Hähnke est originaire de Bielefeld, âgé de 55 ans, marié et père de deux enfants.

Infrastructure

Sascha Hähnke s’inquiète du manque de réalisme qui caractérise les débats autour des modes de propulsion alternatifs, notamment lorsqu’il s’agit du déploiement des infrastructures de recharge sur le territoire allemand. « Croire que tous les camions peuvent être rechargés sur les aires de repos du réseau routier relève de l’utopie », explique-t-il en guise d’exemple. Il existe bien trop peu de bornes de recharge dotées de capacités suffisantes, et, à de nombreux endroits, leur développement n’est guère possible. C’est le cas par exemple des nombreux parkings et aires de repos ne disposant d’aucun service en dehors des toilettes. À ces endroits, il faudrait commencer par installer les lignes d’alimentation électriques nécessaires, voire construire des postes de transformation moyennant des coûts énormes. « Il faut voir les choses en face : l’état allemand ne parvient même pas à mettre à disposition suffisamment de places de parking, même sans bornes de recharge. Conséquence de la situation : au final, il va falloir construire des environnements distincts avec des infrastructures destinées aux véhicules diesel et d’autres aux véhicules électriques », conclut Sascha Hähnke.

Subventions

En parlant de l’engagement de l’état allemand : Il semble évident qu’au vu de l’énorme bouleversement que connaît le secteur de la mobilité, il n’est pas envisageable, à de nombreux égards, de se passer de subventions. Pour l’expert en logistique, le fait qu’aucune garantie ne puisse être donnée sur ce point est totalement incompréhensible. « De nombreuses entreprises ne sont plus en mesure de faire des prévisions, et ce à une époque où les guerres, les crises, l’inflation et la modification des voies de commerce mondiales les placent déjà devant des défis plus importants qu’en temps normal », met en garde Sascha Hähnke. Pour lui, le fait que les subventions en faveur des véhicules utilitaires respectueux du climat se terminent cette année est significatif. « Les autres pays nous ont envié ce dispositif d’aide nommé KsNI, même s’il a été assez mal géré », constate Sascha Hähnke. Ainsi, il n’y a pas eu trois appels de fonds par an, mais un seul. La rapidité avec laquelle sont traitées les demandes, de même que le financement en amont des investissements sont également des questions centrales – « ce dernier point est tout simplement impossible à assumer pour de nombreuses PME », explique Sascha Hähnke.

« Il est clair à mes yeux qu’il n’existe pas d’alternative aux modes de propulsion alternatifs, en particulier dans le secteur de la logistique du recyclage »

Sascha Hähnke, directeur général de REMONDIS Sustainable Services GmbH

Financement

Les financements jouent un rôle important dans la transformation et l’entretien des infrastructures existantes. Les poids-lourds y contribuent notamment par le biais des péages : « Après déduction des coûts de prélèvement, de contrôle et d’harmonisation des péages, les recettes provenant des péages pour les poids lourds sont utilisées pour moitié pour les routes nationales. Quant à l’autre moitié, elle permet de financer des mesures ayant trait à la mobilité, en l’occurrence majoritairement aux voies ferrées du réseau national. En 2022, les recettes s’élevaient à environ 7,4 milliards d’euros. Compte tenu de l’urgence à investir dans l’entretien et le développement des réseaux de transport, le péage contribue de manière substantielle au financement des infrastructures de transport », peut-on lire sur le site du ministère fédéral du Numérique et des Transports. Jusque-là, rien à redire. Cependant, depuis le 1er décembre 2023, le péage a été assorti d’un volet CO2 pour les véhicules de plus de 7,5 tonnes, ce qui a entraîné des hausses conséquentes. À partir du 1er juillet 2024, ce système a vocation à être étendu aux poids lourds de 3,5 à 7,5 tonnes. Rien que pour le régime en vigueur depuis le 1er décembre, l’État fédéral prévoit, entre 2024 et 2027, des recettes de péage additionnelles se chiffrant à 26,61 milliards d’euros au total. « Pour notre secteur, c’est une catastrophe, et le fait que l’on nous demande de passer à la caisse pour financer les voies ferrées de la Deutsche Bahn via les recettes additionnelles est proprement incompréhensible », déclare Sascha Hähnke.

Il n’existe pas d’alternative aux modes propulsion alternatifs

Si nous voulons réussir la transition dans le secteur de la mobilité, il reste beaucoup à faire, aussi bien sur le plan technologique que financier et administratif. « Il est clair à mes yeux qu’il n’existe pas d’alternative aux modes de propulsion alternatifs, en particulier dans le secteur de la logistique du recyclage », résume Sascha Hähnke, en référence aux nombreuses approches et aux diverses solutions mises en place sur le terrain. « Ensemble, si nous restons ouverts à toutes les technologies, nous avons les moyens de faire bouger les choses, à fortiori si nous nous appuyons sur des données concrètes et si nous avons le courage de passer à l’action – j’en suis convaincu », conclut le directeur général de REMONDIS Sustainable Services.

Crédits photographiques: photo 1: Shutterstock: Sahul Jabir; photo 2, 3, 4: © REMONDIS