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HISTOIRE DE MARQUE

30. juillet 2025

Une seconde vie pour nos robes et nos pulls

Les textiles usagés sont en passe de devenir l'un des flux de matières les plus importants au monde. Mettre en place un système de circularité dans le secteur textile s’avère complexe – mais indispensable.

Il y a près de 5 300 ans, à l’époque reculée où Ötzi traversait les Alpes, les vêtements servaient avant tout à protéger les humains des intempéries. Le cuir, la fourrure et les végétaux leur tenaient chaud lorsque l’hiver glacial approchait. Pourtant, une robe égyptienne vieille de 5 000 ans, retrouvée près du Caire et considérée, à ce jour, comme le plus ancien vêtement tissé presque entièrement conservé, atteste du fait que, très tôt déjà, les humains exprimaient leur individualité à travers leurs vêtements. De nos jours – au-delà de l’expression d’une individualité, d’un style personnel ou au contraire d’une conformité – la mode et les vêtements sont avant tout des biens de consommation de masse. Alors que la haute couture – qui dicte la mode dans les métropoles françaises – est synonyme de vêtements de luxe destinés à une minorité, la fast fashion s’est imposée comme une mode bon marché, accessible à tous, et dont les cycles de production sont de plus en plus courts. À l’échelle mondiale, cette situation fait exploser la consommation en énergie et en matières premières mais également les émissions de CO2.

Environ 64 % du potentiel total de récupération, finissent chaque année dans les conteneurs à vieux vêtements et les bornes de collecte.

En Allemagne, on estime que les consommateurs achètent en moyenne 60 vêtements par an, dont douze ne sont quasiment jamais portés. Plus d’un million de tonnes de textiles, soit environ 64 % du potentiel total de récupération, finissent chaque année dans les conteneurs à vieux vêtements et les bornes de collecte. Le reste finit à la poubelle avec les déchets résiduels, dort dans nos armoires ou est donné à des proches. À l’échelle mondiale, les textiles usagés constituent l’un des flux de matières les plus stratégiques et les plus conséquents en termes de volume. Consciente de ces enjeux, l’industrie textile travaille désormais en collaboration avec le secteur du recyclage afin de trouver des solutions allant dans le sens d’une économie du textile durable.

Parallèlement, depuis le 1er janvier 2025, le marché des textiles usagés est soumis à une nouvelle réglementation européenne : l’UE impose désormais aux fabricants de collecter les textiles usagés de manière séparée. Cette obligation légale de recycler les textiles usagés contraint le secteur à mettre en place au plus vite une infrastructure de recyclage performante et fonctionnelle pour les textiles usagés. Nous avons interrogé Ansgar Fendel, directeur technique (CTO) de REMONDIS, sur les défis liés à la gestion des textiles usagés et les possibilités de recyclage de ce gigantesque flux de matières.

“Compte tenu des volumes et des répercussions sur l’environnement, le recyclage des textiles est l’un des enjeux majeurs de l’économie circulaire.“

Ansgar Fendel, CTO REMONDIS

Pourquoi le recyclage des textiles gagne-t-il en importance ?

Ansgar Fendel : Compte tenu des volumes et des répercussions sur l’environnement, le recyclage des textiles est l’un des enjeux majeurs de l’économie circulaire. La question n’est pas de savoir s’il faut recycler, mais plutôt comment le faire. En effet, il est indispensable de réintroduire les textiles usagés dans les circuits de production. L’objectif de l’UE est de parvenir à une transformation du secteur pour aller vers une neutralité climatique. Compte tenu de l’ampleur du flux de matières produites, le recyclage des textiles usagés est essentiel pour atteindre cet objectif et renforcer ainsi la résilience du système d’approvisionnement en matières premières.

Le coton est un exemple particulièrement parlant : le grand public l’ignore souvent mais le coton est l’une des fibres majeures de l’industrie textile. Or le changement climatique entraîne une raréfaction de l’eau dans les régions productrices de coton. À terme, ceci risque d’impacter les rendements et de nuire à la qualité de la fibre. Commencer à produire des fibres de coton recyclées est donc tout à fait pertinent, même si cela constitue un défi de taille.

Quelle est la démarche de REMONDIS en matière de recyclage textile ?

Ansgar Fendel : Notre objectif est de collecter les textiles usagés, de les trier de manière optimale et de les réintroduire dans le circuit soit comme article de seconde main de bonne qualité, soit comme matière première, à la fois précieuse et prisée. Nous avons commencé, il y a plusieurs années, à développer cette activité de manière très concrète et pragmatique, engrangeant un savoir-faire qui s’avère aujourd’hui très précieux pour notre développement futur.

Au fil des ans, nous avons acquis la conviction qu’un partenariat stratégique intersectoriel avec une entreprise de l’industrie textile pourrait nous permettre de relever plus efficacement et plus rapidement les défis de demain. Ainsi est née notre joint-venture suédoise, Looper Textile Co., avec la marque H&M. Basée sur la complémentarité, cette collaboration avec notre partenaire H&M – qui est, comme nous, une entreprise familiale – est à la fois fructueuse et enrichissante.

Pour moi, il est essentiel que l’industrie du recyclage et le secteur textile établissent un réseau de partenariats étroit pour relever les défis liés à ce flux de matières complexe et mettre en place une collaboration axée sur la durabilité.

Qu’est-ce qui rend le recyclage des textiles si compliqué ?

Ansgar Fendel : Les textiles usagés constituent un flux de matières éminemment complexe. Cela peut paraître étrange à première vue, car nous utilisons tous quotidiennement des textiles que nous considérons comme des produits de consommation courante, simples d’utilisation.

Le recyclage matière, qui va du marché de la seconde main, c’est-à-dire la réutilisation, à l’utilisation de fibres recyclées, est un processus technologiquement difficile à mettre en place. Cela tient à la très grande hétérogénéité des vêtements, à l’évolution constante des cycles de production ultra-courts – car dictés par la mode – et à la nature souple et flexible des textiles. Lors du recyclage, nous devons composer avec une grande diversité de tissus, de matériaux composites (qu’il s’agisse de monofibres comme le coton ou de fibres mélangées comme le polycoton associé à de l’élasthanne, voire de même tissus multicouches), de coloris, mais également de stabilisants chimiques, d’enduits, de produits adhésifs, d’applications, de fermetures, de boutons, ainsi qu’avec une immense diversité de formes et de tailles.

Comment gérer cette complexité ? Une fois la collecte effectuée, nous effectuons – au sein d’une installation hautement performante, à l’instar de notre centre de Polch – un tri manuel entre les pièces destinées au marché de la seconde main et les articles qui ont vocation à être recyclés. Il s’agit d’une étape cruciale qui, bien que pouvant paraître simple au premier abord, nécessite une expertise approfondie du produit. En effet, nous usinons et vendons plus de 200 catégories de produits différents, adaptés aux besoins spécifiques de nos clients sur le marché de la seconde main. À l’heure actuelle, le tri manuel reste incontournable. À l’issue du tri, 40 à 50 % des pièces sont orientées vers le recyclage, leur état ne permettant pas une réutilisation en seconde main.

À l’issue du tri, 40 à 50 % des pièces sont orientées vers le recyclage, leur état ne permettant pas une réutilisation en seconde main.

Qu’advient-il des pièces destinées au recyclage ?

Ansgar Fendel : Actuellement, elles font encore l’objet d’un tri manuel avant d’être orientées vers des applications industrielles telles que des isolants acoustiques pour le secteur automobile, des chiffons ou encore des produits non-tissés.

Nous envisageons de remplacer prochainement le tri manuel par un tri automatisé et testons actuellement une technologie basée sur l’intelligence artificielle, capable de trier et de séparer automatiquement les textiles recyclés en fonction de la qualité des tissus. À partir de là, on obtiendra une fibre recyclée réutilisable dans les filatures ou destinée à d’autres applications haut de gamme.

Un flux de matières complexe mais crucial

Discipline reine du recyclage en boucle fermée, le recyclage « fibre à fibre » en est encore à ses balbutiements. Or ceci n’est pas uniquement imputable à des facteurs techniques. Pour Ansgar Fendel, les filatures du monde entier demeurent réticentes à utiliser ce matériau recyclé, encore largement méconnu.

Implantée à Polch, près de Coblence, la société RE-Textil réceptionne chaque jour 20 tonnes de textiles usagés afin de les trier. Après un premier tri manuel, les textiles sont regroupés par niveaux de qualité, emballés, puis exportés vers de nombreux pays à travers le monde. REMONDIS entretient un contact étroit avec ses partenaires commerciaux afin de leur fournir des niveaux de qualité adaptés à leurs besoins spécifiques.

Pour Ansgar Fendel, au-delà des défis techniques, le recyclage des textiles est avant tout une affaire de prise de conscience : ce flux de matières revêt une importance capitale et celle-ci devrait encore s’intensifier dans les années à venir. Or chacun peut contribuer, à son échelle, à la préservation du climat. Lorsqu‘on achète aujourd‘hui une robe ou un pull, on ne se soucie guère de l’impact environnemental lié à la fabrication, à la logistique ou encore au recyclage du vêtement. Pourtant, il appartient à chacun de réfléchir à la manière dont un maximum de textiles usagés pourraient être valorisés. Nos habitudes d’achat et notre comportement personnel impactent notre environnement. Modifions nos comportements individuels pour protéger l’environnement : la planète nous en saura gré !

Crédits photographiques : photo 1 : Adobe Stock: Ljupco Smokovski, Iana; photo 2 : © REMONDIS; photo 3, 4 : Adobe Stock: Ljupco Smokovski