Les dimensions sont impressionnantes : répartie sur trois halls totalisant plus de 11.000 m2, une installation innovante et ultramoderne est à l’œuvre. Elle a vocation à transformer, chaque année, 180.000 tonnes de déchets ménagers et industriels en combustibles de substitution pour les centrales électriques et les cimenteries, tout en triant les métaux et en extrayant l’humidité des matériaux. Mise en service par la société GWA RE, cette nouvelle unité de valorisation matière fait appel à une combinaison de technologies inédite en Allemagne. Pour l’heure, l’installation est en phase de rodage à Lünen, sur le site de Lippewerk. Elle devrait être opérationnelle au second semestre 2023. Au total, l’investissement se chiffre en dizaines de millions d’euros.

Si l’on se réfère à la hiérarchie du mode de gestion des déchets fixée par la législation allemande, les choses sont claires et nettes. Tout ce qui ne peut pas être évité doit pouvoir être réutilisé. Ou, à tout le moins, faire l’objet d’un recyclage. Sans surprise, l’incinération et à fortiori l’enfouissement et/ou la mise en décharge sont relégués en fin de liste. Sur le papier, tout est donc très simple. Mais la réalité est plus complexe. Selon les derniers chiffres de l’Office fédéral allemand de l’environnement, en 2020, seul 32,6 % du contenu de la poubelle grise y avait réellement sa place. En d’autres termes, près de 40 % de biodéchets et plus de 27 % de matières recyclables sont exclus du cycle de valorisation et ne font pas l’objet d’un recyclage adéquat. Au lieu de cela, les matériaux finissent généralement dans l’incinérateur, où il faut bien souvent ajouter des combustibles pour garantir une combustion propre et efficace.
Les ménages et les entreprises allemandes fournissent donc au secteur du recyclage un mélange complexe et composite dont même la hiérarchie des modes de gestion des déchets peine à venir à bout. Les trier de nouveau ne serait ni pertinent du point de vue du bilan climatique, ni économiquement viable. Il existe néanmoins des solutions techniques permettant de raffiner les déchets via le retraitement.
C’est précisément dans ce but que la GWA RE, une société gérée conjointement par la régie intercommunale en charge de la gestion et du traitement des déchets du district d’Unna et par REMONDIS, a construit à Lünen la plus grande unité de valorisation matière d’Allemagne. Cette dernière est actuellement en cours de mise en service. Principal produit résultant de la valorisation : un combustible de substitution destiné à alimenter les centrales électriques et les cimenteries. Les métaux, quant à eux, sont extraits du flux de matières pour être recyclés séparément.
L’unité de traitement
Avec une capacité annuelle de 180.000 tonnes, cette installation est unique en Allemagne. À terme, l’entreprise envisage de traiter 100.000 tonnes de déchets industriels, 70.000 tonnes de déchets ménagers et encombrants et environ 10.000 tonnes de déchets divers par an. Le tri s’effectue dans trois halls d’une surface de plus de 11.000 m² situés au sein de l’usine Lippewerk. Dans un premier temps, le procédé de pré-broyage permet de créer les conditions nécessaires à un tri des matériaux facilité. Ensuite, les matières telles que le fer et l’aluminium sont extraites du flux de matières en plusieurs étapes successives. En parallèle, les matériaux sont séchés grâce à la chaleur et à l’aération générées par le processus. Enfin, l’étape de post-broyage permet de produire ce que l’on appelle du « fluff », des résidus de broyage d’une taille maximale de 30 mm. Ceux-ci serviront de combustible de substitution dans les centrales électriques et les cimenteries, en lieu et place des combustibles fossiles. Une ressource particulièrement attractive et précieuse en cette période de flambée des coûts de l’énergie.
Les premiers tests montrent que l’installation satisfait sans problème aux critères de performance fixés. Il est possible de traiter jusqu’à 70 tonnes par heure de déchets résiduels issus des ordures ménagères, tandis que pour les déchets industriels, la cadence est d’environ 40 tonnes par heure. Patrick Wicker, directeur de la société GWA REsource Kreis Unna, souligne : « Jusqu’à présent, le rendement en termes de combustibles de substitution est supérieur à nos attentes. Mais il clair aussi qu’un projet de cette envergure comporte des défis techniques…que nous avons jusqu’à présent réussi à surmonter grâce à l’engagement et à l’ingéniosité de nos collaborateurs. Nul doute que l’expérience acquise aujourd’hui nous sera utile lors de l’exploitation future de l’installation ».
Ce caractère exemplaire et précurseur, l’installation le doit principalement à deux innovations : d’une part, pour la première fois en Allemagne, six scanners Proche Infrarouge (NIR) sont utilisés pour trier les déchets industriels. D’autre part, c’est également la première fois qu’un combustible de haute qualité est produit à partir de déchets de ce type. Jusqu’à présent, les installations comparables en étaient incapables. En effet, les déchets industriels présentent des valeurs calorifiques comparativement plus faibles que les fractions plastiques mixtes ou les résidus de tri. Grâce à un procédé innovant, la nouvelle installation permet, pour la première fois, d’utiliser des déchets industriels pour produire des combustibles de substitution destinés à la production de ciment.

« Nous sommes convaincus qu’en période de pénurie sur les marchés de l’énergie, nous pouvons contribuer de manière significative à la préservation des ressources. »
Patrick Wicker, directeur de la société GWA REsource Kreis Unna
L’heure du bilan
Patrick Wicker met en avant le rôle de l’installation dans la protection du climat et le recyclage : « Nous sommes convaincus qu’en période de pénurie sur les marchés de l’énergie, nous pouvons contribuer de manière significative à la préservation des ressources. Nul besoin de se référer à la hiérarchie des modes de gestion des déchets pour savoir que le recyclage est plus vertueux que l’incinération classique. Sans compter que nous parvenons à extraire des matériaux environ 4 % de métaux et jusqu’à 10 % d’eau. Inutile donc de transporter de l’eau, ce qui permet de ne pas alourdir le bilan énergétique lors de l’incinération ».
Une affaire rondement menée, donc. Mais revenons une dernière fois sur la hiérarchie du mode de gestion des déchets : aussi prometteuse et exemplaire soit-elle, cette solution technique ne vise, malgré tout, qu’à pallier, à grands frais, ce qui pourrait être fait sans effort à la maison ou au sein de l’entreprise. Sensibiliser les ménages et les entreprises à un meilleur tri à la source demeure donc LA solution – bien plus à même de changer la donne que n’importe quelle innovation technique.
Crédits photographiques : © REMONDIS