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19. octobre 2022

Sécurité énergétique : exploiter enfin les opportunités offertes par le biogaz

La crise énergétique est désormais bien installée - et le potentiel du gaz issu des biodéchets est loin d'être épuisé

Dans le cadre des efforts visant à réduire rapidement la dépendance vis-à-vis du gaz naturel russe, il serait opportun de se pencher sans délai sur le potentiel du biogaz : en collaborant étroitement avec le secteur du recyclage, le monde politique, les collectivités locales et les citoyens seraient en capacité d´exploiter rapidement ces réserves issues des biodéchets.

Le remplacement du gaz naturel russe d’ici 2024 ne sera possible que si nous utilisons réellement tous les moyens à notre disposition. Pour cela, la politique doit débureaucratiser le raccordement au réseau de gaz. Et les entreprises communales de gestion des déchets doivent se montrer plus ambitieuses en matière de collecte des déchets organiques, en équipant enfin tous les ménages en poubelles bio et en sensibilisant les citoyens aux avantages de la collecte et du tri à la source. Assurer un approvisionnement énergétique sûr et stable est l´affaire de tous.

Entre 2014 et 2020, la quantité de biodéchets et de déchets verts collectés a augmenté d´à peine dix pour cent.

Malgré des objectifs ambitieux, l’Allemagne est encore loin d’atteindre les objectifs fixés par la loi dans ce domaine : entre 2014 et 2020, la quantité de biodéchets et de déchets verts collectés a tout juste augmenté de dix pour cent. Trop de précieuse matière première d’origine biologique n’est toujours pas valorisée de manière judicieuse dans notre pays. Ainsi, une partie bien trop importante de la biomasse finit encore aujourd´hui dans les incinérateurs, réduisant en fumée nos chances d’améliorer notre bilan climatique et énergétique dans ce domaine.

Dès 2014, REMONDIS avait estimé, dans le cadre d’une initiative sectorielle, qu´il était réaliste de viser un doublement du volume de collecte des biodéchets et des déchets verts. De notre côté, nous avons fait le nécessaire et travaillé à notre copie : ainsi, la filiale de REMONDIS, RETERRA, exploite aujourd´hui plusieurs unités de méthanisation qui servent d´une part à produire de l’électricité et de la chaleur à partir des déchets, mais également à alimenter également le réseau en gaz.

Les entreprises et les industries du district de Coesfeld montrent à quel point cela peut fonctionner de manière efficace. REMONDIS fournit à l’unité de production située dans le quartier de Höven jusqu’à 600 tonnes de biomasse par jour, qui, après méthanisation, produit plus de 20 millions de kilowattheures par an. Une production de chaleur et d’électricité performante et rentable pour 1.400 foyers. Il y a là non seulement une alternative au gaz russe, mais aussi un levier important vers une plus grande indépendance énergétique.

Concrètement, REMONDIS entrevoit les champs d’action suivants :

La collecte des déchets à domicile doit être optimisée et les lacunes comblées.

Selon les chiffres de l’Office fédéral allemand de l’environnement (UBA), les ordures résiduelles contiennent encore 39 pour cent de matières biogènes. C´est signe que trop de choses ne fonctionnent pas correctement en matière de collecte des déchets. Il est impératif de favoriser les solutions de proximité, c’est-à-dire de miser sur la poubelle bio et d´informer les ménages sur les bons gestes à adopter en matière de tri à la source afin de réduire le pourcentage de remplissage incorrect.

Lors du traitement des biodéchets et des déchets verts, la méthanisation doit devenir la norme.

Actuellement, en Allemagne, seuls environ 60 pour cent des déchets collectés sont transformés en compost, le potentiel énergétique n’est donc pas utilisé dans son intégralité. Par ailleurs, le bilan climatique du compostage pur est comparativement plus mauvais que celui de la méthanisation. Parallèlement, la méthanisation devrait, à l’avenir, servir en priorité à réinjecter le biométhane produit dans le réseau d´alimentation en gaz plutôt que de produire de l´électricité.

Enfin, le cadre politique pour le biogaz en tant que source d’énergie doit être redéfini.

Encore aujourd´hui, raccorder une nouvelle unité de méthanisation et de production de biogaz au réseau d´alimentation est un processus long et fastidieux qui s’étend dans la plupart des cas sur trois à cinq ans. Les gestionnaires de réseau de gaz locaux devraient mettre en place des process pour accélérer de manière significative le raccordement au réseau de gaz des nouvelles installations. C´est une condition sine qua non si l´on souhaite pouvoir exploiter davantage le potentiel des biodéchets. Jusqu’à présent, les biodéchets ménagers ne représentent que six pour cent de l´ensemble de l´énergie produite à partir de la biomasse. Pourtant, il n’existe aucune utilisation alternative pertinente à ces déchets ménagers, contrairement à la biomasse cultivée sur objectifs spécifiques.

Dans cet entretien, le directeur de RETERRA, Aloys Oechtering, évoque l’expérience de REMONDIS en matière de biogaz, revient sur les opportunités que représente cette source d’énergie et ouvre des perspectives pour l’avenir.

RETERRA dispose de plusieurs sites de compostage répartis sur toute l’Allemagne.
Oechtering: Nous exploitons des sites de compostage et de méthanisation, que ce soit en tant que partenaire dans le cadre d´un partenariat public-privé, ou en gestion propre. Nous sommes présents dans ce secteur depuis plus de 30 ans. La technique est bien rôdée et les installations en question seraient en capacité de produire nettement plus de biométhane pour alimenter le réseau de gaz naturel qu’elles ne le font actuellement.

Mais de ce fait, d’autres types de débouchés comme les centrales de cogénération à la biomasse ou la production de chaleur seraient amenés à disparaître, non ?
Oechtering: L´objectif est de tirer davantage partie des biodéchets existants, d’améliorer encore le bilan climatique et d´injecter des volumes plus importants dans l’économie circulaire.

Si l’Allemagne peine à avancer sur le chantier de la production du biogaz à partir de déchets organiques, ce n´est donc pas lié à des problèmes techniques ?
Oechtering: Au cours des dernières décennies, les résistances se situaient en effet à d’autres niveaux. D’une part, nous avons toujours été considérés comme le parent pauvre du secteur des exploitants de site de méthanisation à base de matières premières renouvelables. D’une certaine façon, cela nous a aidés à être perçus comme appartenant à une filière d´importance. D’un autre côté pourtant, en tant que producteurs de biogaz issu de déchets organiques, nous nous sommes retrouvés au cœur de la polémique sur la production d’énergie à partir de denrées alimentaires, alors que cela ne nous concernait en rien.

En outre, des difficultés subsistent en matière de raccordement au réseau de gaz ?
Oechtering: Oui, là encore, c´est le résultat de problématiques qui appartiennent au passé. Jusqu’à une époque très récente, nous commercialisions principalement de l’électricité. Aujourd’hui, la demande de gaz en Europe explose. Nous serions en capacité de répondre de manière bien plus importante à cette demande du marché et d´optimiser ainsi l’efficacité énergétique. Malheureusement, les exploitants des réseaux de gaz fixent bien souvent des directives longues et complexes avant de pouvoir procéder à un raccordement au réseau. Je souhaite vivement que les lignes bougent en la matière afin de lever, ne serait-ce que dans les têtes, les obstacles chez les fournisseurs d’énergie et les exploitants de réseau. Il est impératif que la simplification et la débureaucratisation du raccordement au réseau trouve aujourd´hui un soutien politique.

Le secteur de la gestion et du retraitement des déchets est-il vraiment en mesure d´ouvrir le robinet de gaz avec une telle rapidité ?
Oechtering: En Allemagne, environ 60 pour cent des biodéchets font actuellement l´objet d´un compostage pur. Sans méthanisation à la sortie de la plateforme de compostage. Équiper les plateformes de compostage existantes d’une unité de méthanisation n’est pas particulièrement complexe, mais ce n’est évidemment pas non plus l’affaire de quelques mois. Néanmoins, il est clair pour moi que le problème ne se situe pas aux niveaux des infrastructures qui seraient inadaptées à une telle transformation.

Alors, qu’est-ce qui achoppe ?
Oechtering: Jusqu’à présent, trop de collectivités locales ont manqué de vision et de volonté en matière de collecte des déchets organiques et des déchets verts. Il s’agissait en partie de ne pas priver l’incinérateur de « nourriture ». Il est frappant de constater à quel point les taux de collecte des biodéchets varient d’une région à l’autre. Et ceci ne s’explique pas uniquement par les différences de structure de l’habitat que l´on invoque habituellement.

La solution selon vous ?
Oechtering: Nous devons rendre la collecte des biodéchets et des déchets de jardin aussi simple que possible pour le citoyen. Cela signifie mettre en place des solutions de collecte à domicile. Après tout, nous sommes des prestataires de services, la logistique ne devrait donc pas nous poser problème. Si les organismes publics de traitement des déchets sont en mesure d’organiser la collecte des ordures résiduelles dans le cadre d´un système de ramassage à domicile, on peut s’étonner que l’on exige des citoyens qu’ils apportent eux-mêmes leurs déchets organiques vers un point de collecte volontaire centralisé. Pour moi, il y a là un très grand potentiel.

C’est pourquoi il est essentiel de se battre, ensemble, pour que le biogaz issu des biodéchets devienne l´un des piliers de notre sécurité énergétique.

Crédits photographiques: photo 1: Adobe Stock: Li Ding