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5. août 2025

Attention danger

Les batteries lithium-ion sont une bénédiction pour notre monde moderne, mobile et connecté. Pourtant, lorsqu'elles sont éliminées de manière inappropriée, elles peuvent rapidement se transformer en bombes à retardement. Le secteur de l’économie circulaire a désormais besoin de solutions, faute de quoi l'infrastructure de recyclage mise en place au cours des dernières décennies risque de partir en fumée.

Une batterie lithium-ion défectueuse constitue une véritable bombe à retardement – et les conséquences sont souvent désastreuses. Dans les centres de recyclage, il n’est pas rare qu’un départ de feu causé par une batterie engendre des dommages matériels irréversibles. C’est précisément ce qui s’est produit en mai dernier sur l’un des sites du groupe REMONDIS, dans la commune de Dörentrup, au nord-est de la région de Rhénanie-du-Nord-Westphalie. L’incendie, qui s’est propagé sur plus de 3.000 mètres carrés, a vraisemblablement été causé par un court-circuit survenu dans une batterie lithium-ion. Bilan : plus de 200 pompiers mobilisés pendant plus de 12 heures. Deux d’entre eux ont d’ailleurs été légèrement blessés et une partie de la toiture du hall s’est effondrée.

« Dans les entreprises de recyclage allemandes, on compte jusqu’à 30 départs de feu par jour »

Dans le secteur de la gestion des déchets, des cas comme celui de Dörentrup sont monnaie courante. « Dans les entreprises de recyclage allemandes, on compte jusqu’à 30 départs de feu par jour », indique Thorsten Feldt, directeur de REMONDIS. Si l’intervention des pompiers peut parfois être évitée, cela est , pour une large part, à l’engagement de nos collaborateurs. « Tous nos personnels sont formés à la lutte contre les incendies », souligne Feldt.

Par ailleurs, les entreprises du secteur de l’économie circulaire ont investi des millions d’euros dans la prévention des incendies au cours des dernières années afin de protéger leurs équipements. Ces mesures vont des simples extincteurs, disponibles par centaines sur les sites pour permettre une intervention rapide, aux caméras thermiques ou encore à la reconnaissance d’objets assistée par IA – en matière de lutte contre les incendies, les centres de recyclage sont aujourd’hui de véritables entreprises high-tech. Néanmoins, le risque d’incendie lié à une batterie défectueuse est si élevé que les compagnies d’assurances rechignent à assurer les centres de recyclage.

On compte jusqu’à 30 départs de feu par jour…

… comme dans cette vidéo qui montre un incendie survenu dans une usine de recyclage ou de traitement des déchets en Allemagne, vraisemblablement parce que des batteries au lithium-ion défectueuses ont été éliminées de manière inappropriée. Fort heureusement, cet incendie a pu être éteint grâce à l’intervention courageuse des employés, permettant d’éviter le pire.

Il est fréquent que les batteries lithium-ion soient dissimulées dans des produits anodins, comme des cartes d’anniversaire vocales ou des peluches qui dansent.

Prévenir les incendies ne suffit pas

L’exemple de Dörentrup montre que les mesures de lutte contre les incendies ne suffisent pas à protéger les installations et les personnels. « Nous avons besoin, aujourd´hui, d’un cadre politique qui garantisse, dans la mesure du possible, une élimination en bonne et due forme des batteries lithium-ion », déclare Thorsten Feldt. « Faute de quoi nos infrastructures de recyclage vont littéralement s’embraser. Dans ces conditions, inutile de parler encore d’économie circulaire ou d’un approvisionnement en matières premières résilient et respectueux du climat ».

Problème : les batteries lithium-ion ne sont pas toujours identifiables en tant que telles. Bien souvent, elles sont dissimulées dans des produits anodins, comme des cartes d’anniversaire vocales ou des peluches qui dansent. « Souvent, le consommateur ignore qu’il s’agit, d’un point de vue légal, d’un appareil électrique usagé qui doit être éliminé via une déchetterie », explique Thorsten Feldt. Résultat : la carte d’anniversaire et sa pile lithium-ion sont jetées dans la poubelle à papier, tandis que la peluche finit dans les ordures ménagèresbatterie comprise.

À cet égard, le cas des cigarettes électroniques jetables est particulièrement préoccupant. Équipées d’une batterie intégrée à la cartouche, elles sont destinées à un usage unique alors même qu’elles contiennent souvent une charge résiduelle encore importante. « De tels produits ne devraient même pas exister », soupire Thorsten Feldt. « Ils ne constituent pas seulement un gaspillage colossal de matières premières cruciales pour nos économies, mais représentent également un danger pour nos enfants ». Depuis quelques années, les fabricantschinois pour la plupartinondent le marché allemand avec ces produits jetables au goût sucré et au caractère addictif. Depuis 2021, le chiffre d’affaires de ce secteur a quasiment quadruplé pour atteindre près d’un milliard d’euros en 2024.

Compte tenu du risque lié aux cigarettes électroniques jetables, on peut légitimement s’étonner que ces produits soient encore autorisés à la vente en Allemagne. « Si nous souhaitons protéger nos enfants et nos infrastructures, il nous faut interdire la vente des cigarettes électroniques jetables », affirme Thorsten Feldt, également vice-président de la Fédération allemande de gestion des déchets, de l’eau et de l’économie circulaire (le BDE).

L’interdiction du protoxyde d’azote, récemment adoptée par le gouvernement fédéral, prouve qu’une telle interdiction est possible. Ces dernières années, cette substance est devenue une drogue festive. Et les cartouches, même encore partiellement pleines, finissent fréquemment dans les déchets ménagers ou dans la poubelle jaune, causant des dégâts considérables au sein des unités de recyclage. Pour Feldt, il ne fait aucun doute que « ce qui est possible avec le protoxyde d’azote l’est aussi avec les cigarettes électroniques ». À cet égard, la Grande-Bretagne a montré la voie : les cigarettes électroniques jetables y sont interdites depuis le 1er juin. Ces dernières années, certains états membres de l’UE, à l’instar de la Belgique et de la France, ont, eux aussi, pris des mesures courageuses en interdisant les « puffs » sur leur territoire.

Pour autant, l’interdiction de la cigarette électronique jetable réduirait les risques, sans toutefois résoudre le problème dans son ensemble. En effet, de plus en plus de produits sont équipés d’une batterie au lithium-ion. Selon l’Office fédéral des statistiques, pour la seule année 2024, près de 400 millions de batteries lithium-ion ont été importées en Allemagne. À cela s’ajoutent les quelque 74 millions de piles rondes au lithiumces petites piles que l’on trouve dans les fameuses cartes de vœux ou d’anniversaire.

Pourquoi les départs de feu causés par des batteries sont-ils si dangereux ?

Les batteries et accumulateurs lithium-ion présentent une densité énergétique bien supérieure à d’autres systèmes analogues. Ils sont en effet capables de stocker une grande quantité d’énergie dans un espace très réduit – de quoi alimenter en énergie les téléphones portables, ordinateurs portables et autres appareils mobiles. Mais cette performance accrue a un prix : un simple court-circuit peut provoquer une réaction en chaîne. Ce dernier se produit lorsque le « séparateur », qui isole le pôle positif du pôle négatif, est endommagé. L’énergie stockéeparticulièrement denseest alors libérée de manière incontrôlée. Au début, cette réaction chimique passe généralement inaperçue. Mais à l’intérieur du boîtier, la pile chauffe lentement, libérant de plus en plus d’énergie pour atteindre la surchauffe. À la fin, tout va très vite : une flamme de plus de 1.000 degrés jaillit du boîtier en plastique, embrasant tout ce qui se trouve à proximité. Il arrive également que la batterie explose, avec des conséquences tout aussi désastreuses. Les experts qualifient cette dynamique incontrôlable et dévastatrice « d’emballement thermique ».

« Le monde politique abandonne l’économie circulaire à son sort »

« Il nous faut un cadre réglementaire suffisamment solide pour faire face à l’électrification croissante des produits mobiles », indique Feldt. Principal problème : le système de collecte des appareils électriques usagés en Allemagne. Le ministère fédéral de l’Environnement estime que leur taux de collecte n’était que de 31,7% en 2022 – un chiffre qui fait figure de record négatif.

Avec des taux de collecte d’à peine plus de 50%, le tri sélectif des piles usagées n’atteint pas non plus un niveau suffisant pour protéger suffisamment les infrastructures de recyclage contre les incendies liés aux batteries. C’est pourquoi le BDE plaide depuis de nombreuses années pour la mise en place d’un système de consigne sur les piles usagées. « Il est indispensable d’instaurer une consigne sur toutes les piles au lithium, qu’elles soient amovibles ou intégrées au produit », déclare Feldt, vice-président du BDE. « Cela augmenterait considérablement les taux de collecte, favoriserait une élimination sûre et appropriée, un meilleur recyclage et protégerait à la fois nos employés et nos installations ».

Toutefois, depuis des années, les politiques se montrent réticents. Dans le dernier projet de loi allemand sur les appareils électriques et électroniques (la loi « ElektroG »), on déplore à la fois l’absence d’un système de consigne pour les piles et l’extension de la responsabilité du fabricant à la prévention des incendies et à la prise en charge des dommages engendrésune mesure pourtant très attendue par le secteur. Une des solutions envisageables passerait par la création d’un fonds de protection contre les incendies auquel tous les fabricants et distributeurs de piles seraient tenus de contribuer. Ce fonds couvrirait, entre autres, les dépenses liées aux mesures de lutte contre les incendies et la prise en charge des dégâts causés par leurs produits. « Or rien de tout cela ne figure dans le projet de loi sur les équipements électriques et électroniques. Le monde politique abandonne l’économie circulaire à son sort », regrette Thorsten Feldt.

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