Au sein du processus de transition énergétique, la récupération de la chaleur résiduelle est considérée par de nombreux experts comme un levier majeur au potentiel encore inexploité, une sorte de « géant qui sommeille ». Il y a quelques années, des chercheurs ont déterminé que le volume de chaleur résiduelle inutilisée dégagée par l’industrie allemande pourrait suffire à assurer l’alimentation en chauffage de 6 millions de foyers de deux personnes en Allemagne. À Bad Säckingen, dans le sud du pays, Alunova Recycling, une société détenue par REMONDIS, teste actuellement, en collaboration avec le fournisseur d’énergie suisse Energiedienst, la manière de récupérer et d’exploiter la chaleur résiduelle issue de la pyrolyse des déchets d’aluminium. Il s’agit d’une première technologique, puisqu’il n’existe jusqu’alors aucune installation de ce type en Allemagne.
Avec un taux de 87 % en Allemagne, l’aluminium fait déjà partie des matières premières présentant le taux de recyclage le plus élevé.
Pendant longtemps, les entreprises allemandes se sont principalement concentrées sur les mesures d’économie d’énergie, dont la mise en œuvre était rapide et facile. Mais les lignes commencent à bouger. Pour autant, il est difficile de viser des objectifs plus ambitieux en matière de réduction des émissions de CO2 et d’économies d’énergie, en particulier pour les industries gourmandes en énergie, sans miser sur la récupération de la chaleur résiduelle. Outre l’injection dans les réseaux de chauffage urbain au niveau local, la chaleur résiduelle peut également servir à chauffer les locaux de l’entreprise de production elle-même, à produire de l’électricité via une turbine ou encore à être réinjectée dans la production. Pour déterminer la technique la plus appropriée à la récupération de la chaleur résiduelle et l’exploitation la plus pertinente de la valeur calorifique qui lui est associée, il convient de prendre en compte des facteurs tels que le processus de production, l’énergie nécessaire à la production et les caractéristiques du site lui-même.
Dans le cas présent, Alunova recycle les emballages multicouches contenant de l’aluminium, qu’ils soient issus de la collecte des sacs et poubelles jaunes ou de la fabrication de matériaux d’emballage. Avec un taux de 87 pour cent en Allemagne, l’aluminium fait déjà partie des matières premières présentant le taux de recyclage le plus élevé. Rien de plus logique en termes de bilan énergétique puisque la récupération et la valorisation de l’aluminium nécessite moins d’un dixième de l’énergie nécessaire à la production d’aluminium neuf. Avec ses 43 collaborateurs, Alunova produit chaque année environ 11.000 tonnes d’aluminium recyclé destiné à des domaines d’application très divers.
Utiliser le gaz de pyrolyse
Le processus de production est simple : les balles de matériaux composites contenant de l’aluminium, fournies par les centres de tri dans le cadre du « système dual* » allemand, sont triées, les impuretés et le fer éliminés, puis acheminés vers un incinérateur. À l’exception de l’aluminium, tous les matériaux y sont brûlés à une température d’environ 700 °C. Le matériau utilisé pour le chauffage est constitué par les résidus fournis à l’installation par le biais des matériaux composites, de sorte qu’aucun apport énergétique extérieur n’est requis. Toutefois, Alunova consomme 7.500 MWh d’énergie par an dans le cadre du processus de valorisation, notamment pour alimenter les installations de broyage, les ventilateurs, le tambour de torréfaction, les systèmes de convoyage et les installations d’épuration des fumées.
Reste alors essentiellement de l’aluminium sous forme de granulats de différents calibres. Les granulats de plus gros diamètre sont utilisés par les fonderies d’aluminium pour la production d’aluminium ou sont dirigés vers les aciéries pour soutenir le processus de fusion. Les granulats plus fins sont principalement utilisés comme alliages de fonderie et dans la production d’alliages ferreux.
Le processus de pyrolyse produit, entre autres, des gaz de pyrolyse riches en énergie. Actuellement, ces gaz sont brûlés afin de détruire toutes les substances nocives qu’ils contiennent, puis refroidis à l’eau. Par la suite, les gaz sont purifiés grâce à des adjuvants, filtrés avant d’être finalement rejetés dans l’air par une cheminée. Le refroidissement nécessite une grande quantité d’énergie, sans parler de la cheminée qui rejette, elle aussi, de la chaleur dans l’environnement.
« Si nous réussissons, cela constituera pour Alunova une avancée majeure vers l’objectif fixé par l’UE de réduire de 55% les émissions d’ici 2030 », insiste Georg Möller, le directeur d’Alunova. Cependant, la teneur élevée en cendres contenue dans les gaz d’échappement constitue un réel problème pour les installations techniques, notamment au regard de l’usure et de la formation de dépôts, de même que le chlore en raison de son fort effet corrosif – sans oublier l’humidité élevée du mélange gazeux qui représente un véritable défi.
« Si nous réussissons, cela constituera pour Alunova une avancée majeure vers l’objectif fixé par l’UE de réduire de 55% les émissions d’ici 2030. »
Georg Möller, Directeur d‘Alunova
Un site pilote
À l’heure actuelle, Alunova et Energiedienst ont atteint un stade d’expérimentation très avancé. Une installation pilote a été construite en 2022 sur le site d’Alunova moyennant un coût de 250.000 euros. Par l’intermédiaire de l’Institut de Technologie de Karlsruhe (le KIT), 80.000 euros de subventions ont été octroyés par la région de Bade-Wurtemberg à cette installation pilote. Sur ce site, on étudie les conditions requises pour faire fonctionner le futur récupérateur de chaleur et de valorisation calorifique sans que les canalisations et les machines subissent l’usure, l’encrassement, ou encore les dommages chimiques liés à la corrosion, lors du processus de production d’électricité ou de chaleur. Jusqu’à présent, le résultat n’est pas encore totalement satisfaisant. « Mais nous sommes sur la bonne voie », souligne Möller. Les essais devraient se terminer cet été, et il sera alors possible d’évaluer, sur la base d’une analyse de rentabilité, si la construction d’une installation peut effectivement être envisagée à grande échelle.
Car le potentiel est considérable : grâce au gaz issu de la pyrolyse, Alunova serait en mesure de produire suffisamment d’électricité pour en utiliser 50 pour cent sur son propre site et injecter les 50 pour cent restants dans le réseau public. En outre, il serait possible de produire suffisamment de chaleur pour subvenir aux besoins de base de 10.000 logements des environs en chauffage urbain.
* Le système dual ou « Duales System » allemand est un organisme agréé par l’État pour organiser, superviser et accompagner le recyclage des emballages, notamment ménagers, mis sur le marché.
Crédits photographiques: © Alunova