Un concert de tambours et de trompettes déferle sur la vieille ville de Düsseldorf et des milliers de gens déguisés envahissent les rues. C’est le carnaval et toute la ville est en effervescence !
Du jeudi gras (traditionnellement appelé « le carnaval des femmes ») au mercredi des Cendres, Düsseldorf est chaque année envahie par les carnavaleux. Et là où un clown croise une princesse ou un cow-boy, les déchets s’accumulent. Cela peut sembler incongru, et pourtant c’est la réalité.
Jusqu’à une date récente, en effet, gobelets et barquettes de nourriture finissaient rarement dans les poubelles prévues à cet effet, mais plutôt à côté, sur les places ou dans les espaces verts. Au-delà de l’aspect environnemental, ces pratiques nécessitaient un travail de nettoyage colossal à l’issue des festivités.
La ville de Düsseldorf a donc décidé d’agir en rendant obligatoire l’utilisation de vaisselle réutilisable lors de manifestations publiques. Outre le carnaval, la fête foraine annuelle (la Rheinkirmes), la journée du Japon ou encore le marché de Noël sont concernés par cette mesure.

Vers une obligation de réutilisation
Bien que la réduction des déchets constitue un objectif prioritaire inscrit dans la loi allemande sur l’économie circulaire (KrWG), la quantité de déchets issus des emballages ne cesse d’augmenter. Avec 237 kg de déchets d’emballages par habitant et par an, l’Allemagne figure parmi les pays les plus pollueurs de l’UE. Principale cause de l’augmentation des produits d’emballages à usage unique : la consommation nomade. Selon les données fournies par l’organisation allemande de protection de l’environnement (la « Deutsche Umwelthilfe »), rien qu’en Allemagne, 5,8 milliards de gobelets, 4,5 milliards de barquettes-repas et 2,7 milliards d’assiettes sont jetés chaque année après une seule utilisation.

Selon les données fournies par l’organisation allemande de protection de l’environnement (la « Deutsche Umwelthilfe »), rien qu’en Allemagne, 5,8 milliards de gobelets, 4,5 milliards de barquettes-repas et 2,7 milliards d’assiettes sont jetés chaque année après une seule utilisation.
Dans le cadre de la lutte contre les déchets issus de produits en plastique jetables, de nombreuses directives ont été introduites ces dernières années, tant au niveau national qu’européen. Certaines portent leurs fruits, tandis que d’autres – comme l’obligation de proposer des alternatives réutilisables – peinent à produire l’effet escompté. Certaines communes ont réagi à cette situation en concentrant leurs efforts sur des projets locaux, notamment sur les manifestations festives. Il est, en effet, plus facile de définir des règles claires lorsque les évènements s’inscrivent dans un cadre précis et prévisible – contrairement au marché de la restauration à emporter. Par ailleurs, les évènements festifs ou marchés régionaux font figure de vitrine locale, favorisant la cohésion sociale et le tourisme. Toutefois, si au bout du compte, fêtes et parties de rigolade riment avec poubelles débordantes et gobelets en plastique piétinés, des mesures s’imposent. Sans compter que les déchets ne se limitent pas au lieu des festivités mais finissent souvent par souiller également les berges ou les parcs avoisinants.
Düsseldorf a donc décidé que la vaisselle et les gobelets réutilisables devraient remplacer les produits à usage unique lors des évènements publics. Cette décision s’appuie sur l’obligation, adoptée en 2020, d’utiliser des produits réutilisables. Celle-ci est inscrite à l’article 5, paragraphe 2, du règlement sur l’élimination des déchets adopté par la capitale régionale.
Pour autant, sa mise en œuvre ne s’est pas faite du jour au lendemain et a nécessité un important travail de coordination. Leonhard Krause, responsable « zéro déchet » de la ville de Düsseldorf depuis 2022, a coordonné l’introduction de la mesure interdisant l’utilisation de la vaisselle jetable. « Dès le début, notre objectif était d’impliquer toutes les parties prenantes de manière équitable. Nous avons cherché à créer des synergies sans foncer tête baissée. » Krause a donc privilégié le dialogue. Dans un premier temps avec les exploitants de stands, un par un, puis – par souci d’efficacité – avec les organisateurs.

Mettre à profit les circuits courts
Il manquait toutefois un dernier élément : « Demander au prestataire local de gestion des déchets de soutenir la transition en faveur des produits réutilisables ». Une des clés de la réussite selon Leonhard Krause. La coordination avec les forains et les organisateurs s’en trouve, en effet, grandement facilitée car elle permet d’apporter une solution rapide à chaque problème posé. À Düsseldorf, où l’entreprise de gestion des déchets AWISTA était déjà très investie au niveau local, ces procédures en circuit court se sont révélées un atout précieux. « Chez nous, trois employés coordonnent l’élimination des déchets et le nettoyage des rues lors des manifestations événementielles », explique Giann-Luca Maßmann. De plus, AWISTA dispose d’un solide réseau d’entreprises qui lui donne accès à d’autres services : « Avec notre partenaire REMONDIS, nous sommes en mesure de proposer une offre globale ». La répartition des tâches est fluide et fonctionne sans accroc : AWISTA assure le contact avec les organisateurs et les restaurateurs, prend les commandes et gère la facturation. REMONDIS fournit la vaisselle réutilisable, se chargeant du lavage et de la logistique.
« Avec notre partenaire REMONDIS, nous sommes en mesure de proposer une offre globale. »
Giann-Luca Maßmann, AWISTA
Sur place, le fonctionnement est simple : les exploitants des stands réceptionnent les articles réutilisables aux points de distribution et les y rapportent à l’issue des festivités. La vaisselle est lavée sur place ou dans le centre de lavage de REMONDIS, puis réutilisée en fonction des besoins. Les visiteurs peuvent restituer les gobelets, assiettes et autres articles à n’importe quel stand. Un système unique qui propose une solution commune et unifiée : voilà le plus simple à mettre en œuvre. « Cela évite que l’événement ne se transforme en un patchwork ingérable où chacun fait à sa guise », explique Giann-Luca Maßmann.
Une fois tous les partenaires mobilisés, la mise en œuvre s’est faite progressivement : le coup d’envoi a été donné en 2022 avec un concept partiel prévoyant d’offrir aux visiteurs une alternative « réutilisable ». Un an plus tard, seuls les gobelets réutilisables avaient droit de cité lors des manifestations ; la Rheinkirmes – la fête foraine annuelle – allant même plus loin en prononçant une interdiction totale de la vaisselle jetable. Depuis 2024, l’utilisation de vaisselle réutilisable est obligatoire pour les boissons et les repas. Et à l’été 2024, tous les grands événements étaient entièrement passés au réutilisable. Certes, des exceptions subsistent, à l’instar des serviettes, du papier sulfurisé ou encore des cornets. « Il s’agit de concessions minimales qui n’entravent pas la mise en œuvre, à grande échelle, de l’obligation du réutilisable », estime Leonhard Krause.
Vaisselle réutilisable dans le secteur de la restauration à emporter : le dilemme persiste
Une fois le café bu ou le snack consommé, gobelets et barquettes sont abandonnés sur place. Afin de réduire la quantité d’emballages jetables qui finissent à la poubelle, l’obligation de proposer des alternatives réutilisables est entrée en vigueur dans toute l’Allemagne au 1er janvier 2023. Elle oblige les établissements de restauration qui vendent des plats prêts à consommer dans des contenants jetables ou des boissons dans des gobelets jetables à proposer des alternatives réutilisables. Seuls les établissements employant au maximum cinq personnes et disposant d’une surface de vente inférieure à 80 mètres carrés sont exemptés de cette obligation. Toutefois, ils sont tenus de remplir les contenants apportés par les clients, si ces derniers le souhaitent.
En règle générale, les clients qui optent pour l’alternative réutilisable payent une consigne et doivent rapporter la vaisselle après utilisation. Si la plupart des établissements de restauration proposent désormais cette alternative, celle-ci n’est, en général, pas activement mise en avant. De ce fait, beaucoup continuent à opter pour la vaisselle jetable par commodité, par souci d’hygiène ou par méconnaissance. De plus, faute de contrôles à grande échelle, certains établissements continuent d’enfreindre les règles. Tant que les gens auront le choix, la vaisselle réutilisable restera la grande perdante…
Copier, c’est gagner
La fête foraine annuelle de Düsseldorf (la Rheinkirmes) attire pendant 10 jours environ quatre millions de visiteurs, tandis que le grand défilé du Carnaval (le fameux défilé du « Rosenmontag ») rassemble environ 700.000 carnavaleux. En imposant l’utilisation de vaisselle réutilisable, la ville de Düsseldorf contribue à rendre ces événements plus respectueux des principes de durabilité et à améliorer l’image de la ville. Un coup d’œil sur la carte de l’Allemagne montre que certaines communes, petites ou grandes, souhaitent également faire évoluer leurs manifestations publiques et ancrer le « réutilisable » dans leur règlement sur les déchets. Cependant, elles n’en sont souvent qu’à leurs balbutiements. À Mülheim, la société de gestion des déchets MEG (Mülheimer Entsorgungsgesellschaft) montre la voie en développant son propre système de contenants réutilisables, avec le concours de REMONDIS pour le lavage et la logistique. À Oberhausen et Essen, l’interdiction de la vaisselle jetable est déjà inscrite dans le règlement sur les déchets et les sociétés de gestion des déchets des deux villes (la WBO – Wirtschaftsbetriebe Oberhausen – et la EBE – Entsorgungsbetriebe Essen).
« Düsseldorf fait figure de précurseur par rapport à d’autres villes. Nous espérons que cet exemple fera des émules et que d’autres communes opteront pour des concepts similaires. », déclare Roland Lenders, directeur de REMONDIS Resource Management GmbH.
Avec son collègue Johannes Hatting, il développe des solutions réutilisables pour les communes, la restauration, les festivals ou encore les clubs sportifs. Et il est toujours ouvert à un échange constructif. Car en fin de compte, la transition vers le réutilisable est l’affaire de tous !
De gauche à droite : Johannes Hatting (REMONDIS) et Giann-Luca Maßmann (AWISTA)

Entretien avec deux experts du secteur
Roland Lenders et Johannes Hatting, de la société REMONDIS Resource Management GmbH, ont déjà accompagné plusieurs partenaires dans leur transition vers les produits réutilisables.
RE:VIEWS : Vous travaillez au quotidien sur le thème du « réutilisable ». Quel regard portez-vous sur la situation actuelle ?
Roland Lenders : Nous avons identifié de nombreuses approches et cibles prometteuses, mais le chemin est encore long. À ce jour, les systèmes réutilisables fonctionnent bien, à grande échelle, dans les stades, les concerts ou les festivals, car les paramètres y sont favorables. Ainsi, les gobelets réutilisables sont depuis longtemps utilisés dans de nombreux stades de football. Comme souvent, il s’agit avant tout d’une question d’habitude.
RE:VIEWS : Avez-vous un exemple concret ?
Johannes Hatting : Nous avons lancé une coopération avec le club de football Rot-Weiss Essen en 2024. Depuis lors, seuls des gobelets réutilisables sont distribués dans le stade de la Hafenstraße. Nous les lavons ensuite de manière totalement hygiénique dans notre centre de lavage et les conditionnons en vue de leur prochaine utilisation. Le calendrier régulier des matchs facilite grandement la planification.
Dans la zone de restauration, en revanche, ce sont encore les produits à usage unique qui dominent. Nous sommes déjà en discussion avec plusieurs partenaires et souhaitons proposer prochainement une offre globale à l’intérieur du stade, comprenant à la fois des gobelets et des barquettes réutilisables.

« Au final, tout dépend de la réglementation du marché. Une réglementation plus stricte offre davantage de potentiel pour le « réutilisable ». »
Roland Lenders, REMONDIS Resource Management GmbH
RE:VIEWS : Qu’en est-il des autres secteurs ?
Johannes Hatting : Là aussi, nous entrevoyons des opportunités de développement. Si les chaînes de restauration rapide passent aux réutilisables pour leurs burgers ou leurs frites, cela va générer un nouveau marché. Mais il existe également d’autres domaines d’application tout à fait prometteurs, comme les pots de fleurs ou les emballages cosmétiques.
Roland Lenders : Au final, tout dépend de la réglementation du marché. Une réglementation plus stricte offre davantage de potentiel pour le « réutilisable ». Nous sommes impatients de voir où cette évolution nous mènera. En tant que prestataire de services, nous couvrons déjà un très large éventail de domaines et sommes prêts à répondre à toutes les demandes, auprès de tous les publics !
Taxe communale sur les emballages : Tübingen montre l’exemple, Cologne devrait suivre
Une autre mesure en faveur des emballages réutilisables fait actuellement débat en Allemagne : la taxe communale sur les emballages. Depuis le 1er janvier 2022, la ville de Tübingen prélève une taxe de 50 centimes sur les emballages et la vaisselle jetables, ainsi que de 20 centimes sur les couverts jetables. Cette taxe doit être acquittée par les restaurateurs et les commerçants qui proposent des boissons ou des repas à emporter dans des contenants jetables, quel que soit le matériau utilisé. La municipalité précise que les restaurateurs sont libres de répercuter ou non cette taxe sur le consommateur final.
Un fast-food de Tübingen a refusé de payer cette taxe sur les emballages. Fin janvier 2025, la Cour constitutionnelle fédérale a rejeté son recours, créant ainsi une jurisprudence pour les autres municipalités. Suite à cette décision, certaines communes réfléchissent à instaurer, elles aussi, une taxe similaire. D’autres expriment leurs inquiétudes quant à la charge administrative et aux coûts engendrés. Un sondage réalisé par l’agence de presse allemande « dpa » auprès des communes et des ministères a révélé que, dans leur immense majorité, ils aspirent à une réglementation uniforme au niveau national. Une chose est sûre : la taxe sur les emballages alimente les débats !
Et elle a déjà fait des émules. Ce qui fonctionne dans la jolie petite ville de Tübingen a désormais vocation à être étendu aux grandes villes : à Cologne, le parti conservateur de la CDU et les Verts ont déposé une proposition visant à « introduire à Cologne une taxe sur les emballages inspirée du modèle de Tübingen » – motion que le conseil municipal a approuvée à la majorité.
Crédits photographiques : photo 1 : Adobe Stock: Jiranath; photo 2–6, 8 : © REMONDIS; photo 7 : Adobe Stock: Ekkarat_Studio